Mais c'est déjà ça PV Pandora

L'atmosphère était légère. Le soleil parvenait à percer de temps à autre l'épaisse masse de nuages gris qui rodaient au-dessus de la ville. Et même lorsque nous étions dans l'ombre, il ne faisait pas si froid. Pourtant, le bout de mes doigts restaient rouges et engourdis, un peu comme s'ils avaient été trempés dans un sceau d'eau glacée. J'étais assis, observant les passants, humant la fine odeur de béton mêlée à celle des carburants. Je prenais des notes, sur mon carnet, avec mon petit crayon, que j'arrivais maintenant à peine à tenir entre mes doigts. Bientôt, seule un minuscule bout de mine resterait entre mon index et mon pouce. Cela serait alors un ami qui disparaitrait. Car, je pense, que nous avons pas mal vécu de choses ensemble, ce crayon et moi. De ce que j'ai pu lire, et de ce que je me souviens, en tout cas.
Devant moi, un bout de carton replié sur lui-même où s'entassaient de petites pièces rondes. Voilà où j'en étais réduit : à attendre que mon prochain aie assez de pitié pour déposer une ou deux pièces dans ce carton. Attendant, depuis seul Dieu le savait combien de temps, que l'un de ceux-là, n'aie tout de même pas un trop gros surplus de pitié. Car, de toute évidence, la pitié qu'ils ressentaient les empêchait de me regarder droit dans les yeux. On aurait dit que croiser mon regard était comme croiser le fer : je semblais leur brûlais la rétine, malgré moi. Comme si ma situation était contagieuse. Ou, je ne sais pas, on aurait dit qu'ils avaient peur qu'en établissant un contact visuel même furtif, je me mette à leur parler. Et que parler avec moi dans cette rue, c'était quelque chose de très mal vu.

Sur le trottoir d'en face, à cinq mètres, Hubert faisait la même chose que moi. Sauf que lui, il avait posé son béret au sol, c'était peut-être mieux qu'un bout de carton, moi je trouvais que ça avait plus de classe, tandis que je bougeais du doigt mon petit carton. Je le sais car je peux le relire, c'est écrit juste-là : sur cette petite page. Je peux aussi lire, qu'au début, je me suis installé près de lui, pour parler. Mais il m'a dit d'aller plus loin et aussi que devant le "monoprix" c'était sa "place" à lui. Alors, vu où je me trouve, j'ai dû l'écouter, je suppose. Quoique, je ne me suis peut-être pas assez écarté à son goût, car, des fois, lui me regarde. Mais ces petits yeux noirs cachés sous ses gros sourcils broussailleux n'ont pas l'air de me vouloir du bien. Je grimace par réflexe, sans le vouloir, quand je remarque cette air là sur son visage. Ah, j'en suis là quoi. A me disputer un morceaux de rue avec Herbert. Ou Robert. Merde, je n'sais plus.

Au bout d'un moment, je finis par me lever, je viens d'avoir une idée. J'avais trouvé une sorte de petit boitier noir dans l'une de mes poches. Lorsque j'ai appuyé sur triangle, de la musique était sorti des écouteurs. Je n'ai pas une bonne mémoire, alors, j'ai pris le temps d'écrire les paroles, maintenant mon crayon est mort. Mais je peux chanter, c'est pour ça que je me suis levé. Avec les écouteurs dans les oreilles. J'ai l'impression de chanter plutôt juste, même si parfois je mâche des syllabes lorsque j'ai mal écrit, et que je ne comprends rien à ce que je dis, c'est en anglais. Par contre, retenir les airs, j'y arrive ! Enfin c'est sûrement plus simple en écoutant en même temps. Je n'ai pas eu peur de déranger, ou de me donner en spectacle. Me donner en spectacle ne m'effraie pas, puisque, dans une heure, j'aurai oublié ça, et eux aussi, je redeviendrai invisible. Alors, je suis content, les gens me regardent à présent. Enfin, je ne saurai dire pourquoi, mais je suis persuadé que cela ne durera que le temps de la chanson, par contre. Mais, c'est déjà ça.

Pandora se promenait dans les rues. Ce matin , elle s'était levée de bonne humeur et avait décider que ce serait le jour idéal pour découvrir le monde des moldus. Pour le moment , elle n'en avait vu que l'hôtel où elle séjournait. Le décalage horaire l'avait beaucoup fatiguée. Mais aujourd'hui , elle était en forme et comptait bien profiter. Cela faisait maintenant de longues heures qu'elle se promenait dans les rues , s'émerveillant pour tout et n'importe quoi. Elle était entrée dans quelques magasins dont les vitrines l'avait attirer. Elle avait même acheter un ou deux objets , plus ou moins utiles.

Elle flânait ainsi quand son attention fut attirer par un garçon. Il était là, debout et il chantait . Elle trouvait cela charmant. Cependant, quelque chose la tracassait. Il n'avait pas l'air heureux . Il n'avait pas non plus l'air particulièrement triste. Il était juste là, chantant une chanson qu'elle ne connaissait pas. Elle s'arrêta, assez près pour bien l'entendre mais pas trop, pour ne pas le perturber . Elle l'observa. Il avait un carton devant lui, où se trouvait ce qui semblait être un peu d'argent moldu. C'était donc une sorte de spectacle des rues . Elle était embêtée . Elle n'avait pas de pièces. Elle se servait seulement d'une carte de crédit , que ses parents lui avaient donné avant qu'elle ne quitte la maison.
Peut-être pourrait elle l'inviter à boire un café ou quelque chose comme ça quand il aurait fini ? Elle n'était pas pressée et curieuse comme elle était, elle avait envie qu'il lui parle . Peu importe de quoi, elle voulait juste apprendre des choses sur les moldus, et il en était un.

Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas réalisé qu'elle continuait de l'observer avec curiosité tandis que les gens reprenait leur chemin, plus ou moins rapidement . Il avait fini depuis un petit moment déjà quand elle s'en aperçut. Elle hésita un peu et se rapprocha de lui .

Bonjour ... je suis désolée de vous déranger mais ...

Mais quoi ? Elle n'avait pas vraiment réfléchi à ce qu'elle dirait . Elle se mit à rougir et à se mordiller la lèvre . Qu'elle idiote ...

Les gens me fuyaient à nouveau sans que je ne cherche à les retenir. J'étais trop occupé, le dos légèrement courbé, penché sur mon carnet que je tenais du bout des doigts par le haut, de sorte à ce qu'il trouve appuie sur mon avant-bras. J'essayais tant bien que mal -mais cela relevait quand même plus du mal- d'y écrire que chanter était une bonne idée pour avoir de quoi manger. C'est que le crayon s'effritait entre mes doigts à présent. Bon, il fallait simplement espérer, qu'un jour, je parvienne à relire ces mots, aux lettres si grossièrement tracées. J'aspirai ma joue entre mes dents sans m'en rendre réellement compte, c'était vraiment mal écrit. Si bien que je doutais de parvenir à me relire moi-même.

- Raaaah... soupirai-je, refermant le carnet d'une main, avant de le glisser dans la poche arrière de mon jean.

Je reportais alors mon attention sur la monnaie, assis accroupi. Satisfait, je prévoyais un nouvel achat de crayon à papiers. A chacun ses objectifs, n'est-ce pas...? Je glissais les pièces dans mon -trop- fin portefeuilles lorsque je la sentis m'envelopper. Une ombre. Pourtant, quelque chose me disais que ce petit bout de ténèbres n'avait rien de froid, bien au contraire. Déjà, elle s'était approchée tout délicatement. Je relevais la tête, lentement, et c'est là que je la vis, juste là. Celle qui avait eu pitié, mais tout juste assez. Assez pour venir me rencontrer. Et, en plus de cela, elle s'excusait. J'avais envie de la secouer, de lui demander si elle se rendait un peu compte de ce qu'elle était en train de faire. Que ce geste était le plus beau que l'on ait fait pour moi depuis... Roh disons depuis une éternité, sans doute ! Du moins c'était ce que j'éprouvais à cet instant. Oui, elle m'adressait "juste" la parole. Mais moi, cela me bouleversait de joie. J'en avais presque envie de pleurer. Et alors que je clignais des yeux, on pouvait entendre le vent souffler gracilement à la fin de sa phrase laissée en suspens, soulevant sa frange. Elle avait la silhouette fine et élancée. Si fine que même un coup de vent si fragile aurait pu la briser. Je souris, de reconnaissance, tandis qu'elle rougit, regrettant certainement d'être venu me voir. Puis je me relevais, dépliant mes genoux.

- Tu ne me déranges pas du tout, au contraire. Par contre, je suis désolé mais... t'es peut-être tombé sur le seul mec de la ville qui ne va pas pouvoir t'aiguiller...

En voyant le garçon sourire, Pandora ne put s'empêcher de faire de même. Elle était heureuse de ne pas déranger .Elle prit un petit temps avant de lui parler à nouveau.

En fait, je n'ai pas de question particulière. J'avais juste envie de discuter . Je pourrais peut-être t'inviter à boire  un café, ou même autre chose .

La voix de la jeune fille n'était pas très assurée. N'était-ce pas totalement inapproprié d'aller voir quelqu'un comme ça ? Peut-être qu'il prendrait peur ou n'avait pas le temps ... ou juste pas l'envie. Elle rougissait encore. Même s'il disait qu'elle ne le gênait pas, il était sûrement juste poli.
Elle était allée lui parler sur un coup de tête , simplement intriguée par ce garçon qui chantait. Il était là, entouré de gens qui l'écoutait mais paradoxalement, il avait l'air seul. Cela avait piqué sa curiosité. Et maintenant elle était là, elle demandant de suivre une parfaite inconnue. Elle n'avait pas menti, elle n'attendait rien de spécial. Haze lui avait dit que les moldus étaient résilients et depuis ,elle avait envie de le constater par elle même en parlant à l'un d'eux.
Elle  avait dû en croiser des centaines, peut-être même plus,  tout au long de la journée , mais aucun n'avait l'air particulièrement intéressant. Et voilà qu'elle avait trouvé, elle avait l'impression que ce garçon était singulier.
Bien qu'elle ne s'en rende pas compte , elle regardait à nouveau le garçon avec curiosité. Comme s'il était un spécimen rare qu'elle n'aurait sûrement plus la chance de croiser. Elle était prise d'un envie irrésistible de l'entendre parler , de l'enregistrer même et de passer ensuite des heures à analyser ce qu'il racontait , le ton de sa voix .. A ce moment , elle était tout à fait consciente du poids de son dictaphone dans son sac. Mais il fallait qu'elle perde cette mauvaise habitude. Elle se maitrisait donc , ne voulant surtout pas le faire fuir.
Elle était partagée entre sa curiosité et la honte d'avoir de telles pensées. Ainsi, elle gardait son regard rivé sur lui, tout en continuant de rougir.

L’information avait eu des difficultés à être analysée par mon cerveau désaxé. Je n'en revenais pas, croyant à une farce. Une inconnue désirait sincèrement m'offrir un café, à moi ? Avec ma tête, et mes vêtements déchirés à plusieurs endroits, elle aurait plutôt faire comme tous les autres. Elle aurait du me fuir. La raison pour laquelle elle ne l'avait pas fait restait un mystère. Une énigme que je désirais résoudre... Si seulement je ne l'oubliais pas en cours de route... Je la regardais droit dans les yeux et sentis l'un de mes sourcils se relever, formant sans doute une sorte de point d'interrogation. Elle avait eu juste assez pitié, assez de pitié pour effacer ses appréhensions. Ou alors, elle n'avait peur de rien. Pourtant, elle était rose comme une pivoine. Quelque chose semblait la gêner, la mettre mal à l'aise. Et cette chose, c'était sans doute moi. Ou bien la bonté sans doute maladive qui l'avait poussé jusqu'à moi. Ou alors, elle avait eu quelque chose en tête en m'interpellant. Mais quoi..?

J'avais encore comme l'impression d'avoir manqué la marche d'un escalier et je me sentais basculer. Je me sentais tomber, en chute libre, et j'avais besoin de me retenir à quelque chose. Choqué, de passer d'invisible à invité. Mais, ce n'était que dans ma tête. En réalité, j'étais resté droit, et je me concentrais sur mes pieds bien encrés dans le sol. M'accrochant à ce qui pouvait me ramener à la réalité. Car la voix avait recommencé. Voilà qu'elle me murmurait à nouveau des mots à l'oreille. Suçurant des choses désagréables, sous un ton narquois. Je n'avais pas eu le temps de l'oublier, cette fois non plus. J'oubliais toujours tout. Sauf elle. C'était à en devenir fou. Réellement fou. Ce n'était qu'une voix, mais cette voix là, c'était une véritable tortionnaire. J'avais envie de la faire taire, mais hurler n'aurai servi à rien. A part à démontrer que j'étais fou, et à part finir par faire fuir la jeune fille. Je devais l'ignorer, l'occulter, parvenir à faire comme si elle n'existait pas. Pour qu'elle ne devienne plus qu'un bruit de fond, juste un son de plus dans le chaos de cette ville. Pour cela, je me concentrais sur les yeux en amande devant moi. Des yeux que j'avais fais attendre depuis tout à l'heure. Mon index jouait avec ma lèvre, le temps que je réfléchisse à ce que j'allais bien pouvoir lui répondre. Si la voix voulait bien la mettre en sourdine cela aurait été plus simple... Mes yeux se portèrent sur un bar à quelques pas de là où l'on se trouvait.

- Je ne serai pas contre un café, au chaud, je souris et commençais à avancer, l'invitant à me suivre.

Lorsque l'on s’assit il se passa quelque chose. Quand que je relevais la tête, je découvris où j'étais. J'essayais tant bien que mal de cacher ma surprise, mais la stupéfaction devait se lire sur mon visage. Je regardais tout autour de moi. Je ne reconnaissais pas la personne en face de moi. Mon pieds tapait sur le sol à intervalles réguliers, trahissant ma nervosité. Je ne reconnaissais pas plus l'endroit que ce visage au yeux noisettes. Mais je ne voulais pas lui montrer que j'étais perdu, alors, je sortis mon carnet. La dernière chose écrite concernait une chanson. Je tournais les pages, fébrilement mais il n'y avait rien, rien sur une asiatique, et rien sur un café... Bon sang, cela allait encore recommencer... ici et maintenant...? Vraiment...? Et où était mon putin de crayon que je puisse écrire son nom !

- Euh... excuse moi mais...on fait quoi ici, déjà...? lui demandai-je.

Le garçon avait mis longtemps à répondre, ne semblant pas comprendre son invitation. Elle ne pouvait pas lui en vouloir pour ça, c'était effectivement étrange. Elle patienta donc, et fut ravie quand il accepta. Elle le suivit jusqu'au café, où ils s'installèrent. Puis elle ne comprit pas trop ce qui se passait. Il avait l'air perdu , tournant les pages de son carnet, l'air légèrement paniqué. Qu'est-ce qu'il pouvait bien chercher là-dedans ? Elle le regardait faire, confuse. Puis vint la question. Ce qu'ils faisaient là ? Elle était pourtant sûre de le lui avoir dit.

Nous allions simplement boire un café en discutant.

Elle avait essayé de parler d'un ton calme , de paraître sûre d'elle, pour ne pas rajouter à l'incompréhension du jeune homme. Mais elle ne savait pas ce qui se passait. Avait-il vraiment oublié si vite ? Cela l'inquiétait un peu , elle ne voulait pas qu'il se sente mal à cause d'elle.

Elle lui laissait le temps de reprendre ses esprits , attrapant la carte du café sur la table pour la consulter. Ou faire semblant  que c'était le cas plutôt. Elle lui jetai un petit coups d'œil en souriant. Elle n'était pas du tout sûre que ce soit la bonne solution mais elle , si elle avait besoin de se reprendre elle n'aimerait pas qu'on l'observe. Elle préférerait que les gens autour d'elle fassent semblant que la situation était normale. Mais pas qu'ils se cachent ...
Elle reposa donc très vite la carte, s'intéressant plutôt à l'endroit où ils étaient. C'était un petit bar avec terrasse. Eux s'était installé à l'intérieur, à une petite table en bois dans un coin. Il y avait un peu de bruit mais cela restait tout à fait tolérable. Quelques personnes dans un groupe les regardaient à la dérobée, surement intrigués par le bruit du pied du garçon sur le sol . Cela ne lui plaisait pas... Le pauvre était stressé, ça pouvait arriver à tout le monde. Elle les fixa donc, attendant qu'ils s'en rendent compte afin qu'ils arrêtent. Ce qui arriva rapidement. Elle reporta ensuite son regard sur le garçon. Il devait avoir eu assez de temps. Du moins , elle l'espérait . Elle reprit donc la parole avec douceur , afin de ne pas le brusquer. Elle souriait, le regardant en essayant de ne pas le laisser déceler la moindre trace d'inquiétude.

Est-ce que ça va mieux ?

Puis, se rappelant qu'il avait l'air de chercher quelque chose d'autre que son carnet, elle fouilla dans son sac pour sortir un stylo et le poser devant lui . C'était en général ce qui allait avec du papier et il n'avait pas l'air d'en avoir. Et tant pis si ça paraissait étrange ou que ce n'était pas ce qu'il voulait, la situation était déjà bizarre de toute manière.

Je baissais la tête vers le stylo posé gentiment devant moi et le fixais un instant. Cela me permettait de fuir ses yeux curieux, alors même si allait falloir les affronter, un petit moment de répit pour mettre les choses au clair dans mon esprit n'était pas de trop. Ce qu'elle m'avait dit ne m'avait pas aidé à mieux comprendre, mais en même temps, je m'attendais à quoi en lui demandant ce qu'on faisait dans un café ? J'attrapais finalement le stylo. Je lui souris nerveusement tandis que mon pied battait toujours sur le sol sans que je ne puisse l'arrêter. C'était frustrant, de ne pas savoir. Je me demandais qui elle était, et si, oui ou non, elle me prendrait pour un débile lorsque je lui demanderai son nom. C'était frustrant, de ne pas connaitre son nom, et ne pas savoir si j'étais supposé le connaitre ou non.
Je posais un coude sur la table et me mis à rire, discrètement avant de cacher mes lèvres de la main. J'observais le monde tout autour de nous sans but précis. Je n'osais pas la regarder. Si j'allais mieux ? Pour lui répondre, il aurait déjà fallut que je sache comment j'allais, avant ça. Après avoir repris contenance, ma main quitta mes lèvres pour faire des allers retours entre la joue et le menton. Je réfléchissais à comment formuler ce qu'il se passait dans ma tête. Mais je ne devais pas être prêt lorsque je commençais car après un "je" pour débuter, mais surtout après avoir de nouveau croisé son regard, mes lèvres se fermèrent brusquement de nouveau. Sans m'en rendre compte, je me balançais sur ma chaise. Je du m'y reprendre à deux fois avant de réussir à lui dire :

- Je suis désolé mais... je ne sais pas qui tu es...

J'avais reposé le stylo et voilà que je glissais mes deux mains contre mes yeux, les laissant ensuite glisser lentement, du haut vers le bas, déformant légèrement la lèvre inférieure lors du passage. Un peu comme si je me rinçais le vissage.

- Est-ce que... on est censé se connaitre ?

J'avais l'impression que ma façon de parler était aussi claire que l'étaient mes souvenirs. La pauvre ne devait rien comprendre. J'avouais alors à voix basse, presque inaudible, les yeux rivés sur la table qui nous séparait :

- Je n'ai pas de mémoire...

oh... Eh bien on ne se connaît pas vraiment Je sais que ça va paraître étrange mais je t'ai juste vu chanter et j'ai eu envie d'apprendre à mieux te connaître. Ce qui de toute évidence risque d'être compliqué, mais je ne suis pas contre les défis.Je m’appelle Pandora. Et toi ?

Voilà qui expliquait l'air perdu et pourquoi il avait dit qu'il ne serait pas en mesure de la renseigner . Les lèvres de la jeune fille s'étirèrent en un sourire plus sincère, presque amusé. Bizarrement elle se sentait beaucoup plus à l'aise en sachant qu'il finirait par l'oublier. C'était un peu comme s'il s'agissait d'un rêve qui, le petit matin venue, disparaîtrait. Jamais elle n'avait entendu parler de quelqu'un avec une mémoire si courte, cela avait quelque chose d'irréel. Elle se demandait si elle aurait sa place sur les pages de son carnet. Et si c'était le cas, ce qu'il pourrait bien y inscrire. Si, en le relisant quelque temps plus tard il se demanderait qui était vraiment cette fille qui était venu l'aborder sans raison précise ou s'il passerait juste sans s'attarder sur elle, survolant son apparition dans sa vie en une seconde.

Peut-être devrait-elle lui laisser un moyen de la contacter, ne serait-ce que pour voir s'il le ferait. Le problème était qu'elle n'avait pas de téléphone  -d'ailleurs en avait-il un lui ? - et que c'était un moldu donc elle ne pouvait pas lui parler de chouette... mais bien sûr ! Elle n'avait qu'à lui donner l'adresse de l'hôtel et dire à Athéna de venir la chercher si un jour il arrivait pendant qu'elle était absente. Et s'il se décidait à venir quand elle aurait fini ses vacances... Et bien elle aurait eu le temps d'y réfléchir.

Elle fut interrompue par un serveur qui venait prendre leur commande. Elle laissa le garçon choisir ce qu'il voulait et demanda un chocolat chaud à la cannelle. Elle avait dit un café en invitant l'inconnu, mais c'était une façon de parler. C'était bien trop fort et amer pour elle.

Je lui souris, hochant légèrement la tête de gauche à droite. Elle était drôle, cette petite. Alors, comme ça, elle relevait le défis d'apprendre à me connaitre ? Mais ce n'était pas comme gravir une montagne, non. Comprendre qui j'étais était plus compliqué que cela encore. Plutôt que de l'escalader, il s'agissait plus de la casser en deux, cette montagne. De la briser à mains nues. Pour ses quarante et un kilos cela s'avérait impossible. Tout en gardant mon sourire, j'abaissais la tête vers mon carnet et y notais son nom grâce au stylo qu'elle m'avait tendu. Pandora, aime les défis.
Le serveur arriva alors pour prendre notre commande et je demandais un café, comme dans un réflexe, juste avant de grimacer. En fait, je m'en voulu dans la seconde. Je ne su d'ailleurs pas pourquoi j'avais fait ce choix. Un choix stupide, vraiment. Qui, à part moi, sur cette terre, commanderai un café alors qu'il n'aime pas ça ? Amnésique et débile en prime. De toutes les boissons présentées sur la carte, c'était café qui était sorti de ma bouche, comme s'il avait trop tourné dans ma tête... Bon, je préférait passer à autre chose et répondre à Pandora :

- Samuel. Je chantais bien...? Non, laisse...

D'un coup, mes joues se réchauffèrent. Je me sentais mal à l'aise mais le serveur revint avec nos commandes à ce moment-là. Je ne pus m'empêcher de me demander si cela allait me sauver, ou bien m'achever. Je le remerciais dans tous les cas. Lorsqu'il partit, j'observais le contenu de la tasse que je tenais dans la main, dans un combat visuel. Je jugeais le café, prêt à en découdre, puis l'avalais d'une traite. Amnésique et débile en prime avais-je dis plus tôt si ma mémoire n'était pas si mauvaise...? Je venais de le confirmer. Je toussais, la gorge en feu et m'exclamais, comme je le pouvais, :

- J'm... suis brulé...

Pandora observait Samuel. Il n'avait pas l'air tellement sûr d'aimer le café à en juger par la façon dont il regardait sa tasse. Pourtant il le bu rapidement. Elle s'apprêtait à répondre à sa question mais c'est à ce moment qu'il se brula et elle n'en eut pas le temps.

oh mon Dieu ! Je reviens tout de suite , je vais te chercher de l'eau.

Elle se leva précipitamment, se rendant au bar. Elle demanda un verre au serveur et lui demanda aussi d'apporter un chocolat. Tout le monde aimait le chocolat, non ? C'était quelque chose de réconfortant et de doux et Samuel semblait bien avoir besoin de ça. Elle se dépêcha ensuite de rejoindre le jeune homme, lui tendant la boisson fraiche avant de retourner s'assoir . Elle lui souriait, espérant que ça l'aiderait assez.

Sinon, tu t'en sortais plutôt bien. Pour la chanson je veux dire.

La sorcière se dit que ça devrait être épuisant de ne jamais se souvenir de rien. Effrayant même, de n'avoir comme point de repère que ce petit carnet. Toute sa vie devait se trouver là-dedans, dans ce petit objet si fragile, si frêle... Pourtant il n'avait pas l'air d'abandonner. Il devait se sentir seul. Elle imaginait que s'il avait une famille ou des amis proches ils ne le laisserait pas comme ça . Le serveur apporta ce qu'elle avait commandé et le posa directement devant lui. Sans doute avait-il vu que sa tasse était vide. Elle releva les yeux vers Samuel, pleine de détermination. Elle ne savait pas encore quoi, mais elle était bien décidée à faire quelque chose pour lui. Il lui faisait penser à un petit chaton perdu, faisant ce qu'il pouvait pour se débattre dans la vie. Elle ne pouvait certainement pas juste passer son chemin. Elle en revenait donc au problème précédent : le contacter. Elle prit le temps de réfléchir un instant. Après quoi , son visage s'éclaira et elle fit un grand sourire.

Dit moi, que dirait tu d'aller faire un peu de shopping ?

Quitte à ce que ses parents travaillent sans arrêt, autant qu'elle en profite. Peut-être que c'était simplement par égoïsme qu'elle s'attachait si vite aux gens, qu'elle ne pouvait s'empêcher de ne pas les laisser seuls... Peut-être voulait elle juste ne pas se retrouver, elle, sans personne . Mais dans le cas de ce garçon , ça ne pouvait pas lui faire de mal. Au pire, il serait embêté jusqu'à ce qu'il l'oublie et de ce qu'elle en avait compris ce ne serait pas très long.

Je regardais alternativement le chocolat et Pandora. Je ne mis que quelques instants à comprendre. Cette fille était étrangement gentille, compatissante. Je ne pouvais m'empêcher de penser que cela devait cacher quelque chose. Peut-être quelque chose que j'avais oublié. Mes joues redevinrent blanches, le sentiment de gêne laissant place à la suspicion. Avant de lui répondre, et tout en amenant la tasse à mes lèvres d'une main sans la quitter du regard, j'ouvrai mon carnet de l'autre. Puis j'y plongeais, rompant de la sorte le contact visuel avec la jeune femme. Un contact néanmoins difficile à suspendre pour moi. Difficile car l'on s'observait tous les deux, comme si l'autre était une bête curieuse, ou comme si il y avait quelque chose à déchiffrer dans nos iris, un code, une clé. Elle, elle devait toujours m'observer tandis que mes pupilles s'agitaient de gauche à droite, suivant les lignes du petit carnet.
Je relisais ces mots tracés d'une écriture en patte de mouche qui m'était familière et inconnue à la fois. J'appris des choses, des choses sur moi, et mes yeux durent transcrire ma surprise lorsque j'atteignis un passage qui parlait d'un certain "Haze", mais je n'appris rien de plus sur Pandora. Au bout d'un moment, ma démarche pouvant sembler malpolie, je refermais le calepin. Je l'avais examiné sous toutes ses coutures, en vain.
J'observais alors de nouveau ces deux iris noisettes, ne lui laissant pas plus d'avance, tout en finissant le chocolat qu'elle m'avait offert.

- C'est un peu gênant. Je n'aime pas trop les non-dits, j'ai déjà assez de mal avec ce qui est clair comme tu as pu le voir... riais-je à moitié. Tu vois bien que je n'ai rien, peut être ai-je des choses mais j'ai oublié où elles sont. Peut-être ai-je un appartement quelque part, un compte en banque aussi, mais je ne sais pas... Là je n'ai rien. Du coup, tu me proposes de faire du shopping... et de payer les achats, c'est bien ça ? finis-je par lui demander.

C'est en voyant la réaction de Samuel que la jeune fille se dit qu'elle était peut-être allée trop loin. Elle avait tellement l'habitude de vivre dans sa bulle qu'elle ne savait plus trop où se fixer des limites parfois. Il avait raison, il fallait qu'elle se montre plus claire. Heureusement, il avait été occuper pour quelques instants et cela lui laissa le temps d'ordonner ses pensées un peu plus clairement.

C'est ça. Comme je te l'ai dit, j'aime les défis et en apprendre plus sur toi en est un. Je ne le propose pas vraiment pour toi. Je ne connais pas grand monde dans cette ville et je m'ennuie. Je suis curieuse, un peu trop parfois.  Je n'attends rien en retour et j'espère que ça ne te vexe pas... Je pensais t'acheter un téléphone, et en prendre un pour moi au passage. Il me semble compliqué de te revoir sans ça. Mais si tu ne veux pas, ce n'est rien.

Elle se demanda un instant si elle devrait aussi donner son numéro à Haze mais elle décida rapidement que non. Ils avaient déjà un moyen de communication qui lui plaisait plus. Pandora avait rompu le contact visuel avec le garçon pendant qu'elle parlait. Elle ne savait pas si c'était son cas à lui aussi mais elle commençait à être mal à l'aise de le fixer comme ça. Elle avait l'impression qu'elle lui disait simplement "tu m'as semblé une bonne distraction, un jeu intéressant" . Il y avait un peu de ça mais ce n'était pas tout à fait ça non plus. D'un autre côté, elle avait agis sans y réfléchir à la base et ne comprenait pas très bien elle-même ce qu'elle fabriquait avec cet inconnu. Difficile d'expliquer ce qu'on avait en tête dans ce cas.

Elle vit qu'il avait fini sa boisson et fit de même, ne voulant pas le retenir inutilement s'il avait envie de s'en aller. Elle comprendrait, elle n'était qu'une inconnue venant troubler sa journée et même pas fichue de bien dire pourquoi. Elle finit tout de même par ajouter quelque chose.

Après, si tu as besoin d'autre chose ça ne me dérange pas. Cela ne me changera pas grand chose et si tu n'écrit pas que ça vient de moi tu ne pourra pas le savoir. Comme ça tu est sûr que je ne demande rien en contre partie.

Je n'avais pas eu le temps de répondre. Je n'avais pas eu le temps d'encaisser ce qui se passait en réalité. J'éprouvais en fait une certaine difficulté à comprendre que c'était bien réel. J'avais l'impression d'être ailleurs, comme si mon esprit voletait au dessus d'un corps qui agissait en pilote automatique, comme un robot. J'avais l'habitude d'encaisser les mauvaises choses. Comme ces types qui m'observaient comme on regarde un fou tout à l'heure et que j'avais fait mine de ne pas remarquer. J'avais l'habitude d'être pommé. Par contre, il m'arrivait très peu de vivre de bonnes choses. Comme cette rencontre avec Pan... Pandarô... Panacota ? Ah merde. Elle etait dune gentillesse sans nom et moi de mon coté je n'étais meme pas foutu de me souvenir du sien. Alors, je ne savais pas du tout comment accueillir les bons moments. Comment faisaient les gens ? Seraient-ils suspicieux ? Sur la réserve ? Ou seraient ils simplement d'accord avec le fait de passer une bonne journée ? Je n'en avais pas la moindre idée. Alors je n'avais pas répondu de suite. Elle venait d'ailleurs de répondre à une de mes interrogations. Il était évident que n'importe qui à part moi aurait été suspicieux.
Mais après ce qu'elle venait de dire, je n'avais pas la moindre raison de me montrer méfiant.

- Si si, je vais tout noter.

Je souris et me levai avant de m'étirer, agrandissant mon espace tour en réduisant celui des autres, dans ce café étriqué.

- Si tu t'ennuies, je veux bien payer ma part en te divertissant.

Des gens se mirent à rire dans un coin et je ne pus m'empêcher de penser qu'ils parlaient de moi. Je me rassurai en me disant que je n'étais pas le centre du monde, alors forcément, ils riaient d'autre chose. Pour autant je m'empressais de sortir, lançant à mon amie du jour :

- Je te laisse régler alors, je t'attends dehors.

En sortant, je me dirigeais vers un panneau. Les rues marchandes n'avaient pas l'air très loin. Lorsque je sentis Pan... Bon ça sera Pan. Bref, lorsque je sentis sa présence juste à côté de moi, sans que je puisse dire comment j'avais la certitude qu'il s'agissait bien d'elle, je ne tournais pas la tête. A la place je mis un doigt sur le panneau.

- Il y a des boutiques pas loin. Il faut remonter la rue puis tourner deux fois à droite. Tu aimerais m'habiller ? Enfin je sais m'habiller hein. Je ne suis pas handicapé à ce point là.

Je me tournais vers elle.

- J'aurai bien besoin de nouvelles fringues.

Pandora avait sérieusement pensé qu'il refuserait au vu de son temps de réponse, aussi quand il accepta de l'accompagner la surprise n'en fût que meilleure. Elle le regarda sortir en souriant puis alla régler la note rapidement. Elle le retrouva dehors, en train de visiblement planifier leur sortie. Elle ne put retenir un léger rire lorsqu'il parla de l'habiller. Elle lui répondit tout en regardant sa tenue. Effectivement, il devait avoir ces vêtements depuis un moment vu leur usure.

Je ne pensais pas qu'en parlant de me divertir tu me proposais de jouer à la poupée. Non plus sérieusement, avec plaisir. Du shopping sans acheter de vêtements ce serait dommage. Et si tu veux de l'aide pour t'habiller quand même n'hésite pas.

Le ton qu'elle avait utilisé pour cette dernière phrase montrait bien que c'était une plaisanterie. Ils se dirigèrent donc vers les boutiques qu'il lui avait indiquées. Elle essaya d'en trouver une qui semblait à peu près dans son style et l'entraina à l'intérieur. Elle sentait que cette journée allait être follement amusante. Elle le regarda comme une enfant à qui on promet une surprise.

Alors, on commence par où ?

Pandora avait choisi une boutique sympas. Les habits que j'enfilais me plaisaient bien. Par contre ces essayages m'avaient fait remarqué qu'une douche m'aurait fait le plus grand bien. Une légère odeur de transpiration émanait de moi, enfin seulement des aisselles, mais c'était un peu gênant quand même. Puis, à un moment, je ne sais pas exactement quand, les essayages prirent une tournure différente. Je ne sais pas si cela venait d'elle ou de moi. Je ne saurai dire à quel moment nous avions décidé de changer de boutique ou encore pourquoi. Et surtout, pourquoi notre choix s'était porté sur celle-là ! J'essayais à présent tout et n'importe quoi. Des chemises très colorées, qui donnaient envie de partir en vacances sous les tropiques et de siroter un curaçao bien frais au bord de la plage sur un transat. Des pantalon en similis cuir très serrés assortis de t-shirt moulants et pailletés qui me donnaient l'air d'un gigolos. Mais c'était tellement drôle à essayer ! Je me surpris à prendre des pauses à chaque ouverture de rideau. Avec des lunettes de soleil très grandes et un chapeau de paille pour aller avec les chemises un peu hawaïennes, ou en mordant ma lèvre lorsque je portais des tenues plus affriolantes, les cheveux décoiffés après y avoir passé la main pour me donner un air plus sauvage, peut-être même sensuel.

Voilà que je montais même sur un fauteuil mis à disposition des personnes accompagnant celles qui faisaient leur shopping. Je portais à ce moment là un pantalon rose dans lequel j'avais rentré une chemise au motif douteux, d'un bleu pâle et terne. Par dessus je portais un costume, bleu également, de ce que l'on porte pour un rendez-vous professionnel ou pour un mariage. Il y avait même le petit mouchoir de poche blanc qui dépassait. Pour parachever le tout, mes pieds s'étaient retrouvés dans une paire de mocassins en cuire brillant. J'avais réellement l'air ridicule, c'était ridicule, mais cela m'amusait beaucoup. Tenant la pause, je faisais de mon mieux pour garder mon sérieux mais j'explosais de rire au bout de quelques secondes à peine. Les gens me regardaient, mais je m'en fichais. Je me sentais si bien. Je crois que, j'avais l'impression d'être avec une amie. Une vieille amie avec qui l'on se connaissait par cœur, avec qui on avait l'impression d'avoir passé les vingt dernières années ensemble. Une amie avec qui on jouait à faire n'importe quoi. Mais cette fille aurait pu être n'importe qui.

Elle aurait pu être n'importe qui car je venais encore d'oublier son nom. Mais après tout un prénom n'est pas si important, n'est-ce pas ? A choisir, je préférerai pouvoir retenir cette journée que son nom. Ou bien, peut-être, la chaleur communicative de son sourire. J'essayais à grand peine d'arrêter de rire, mais c'était difficile, c'était même mission impossible. C'était le genre de rire qui vous prend par surprise, qui vous fait vite comprendre que c'est lui qui détient le contrôle et que vous, vous l'avez perdu. Le genre de rire qui choisit lui-même du moment pour s'arrêter, quitte à vous broyer le ventre et vous tendre les zygomatiques de douleur. Enfin, les joues roses d'avoir ris aux éclats et après avoir sauté de mon présentoir avec énergie, je lui demandai dans un souffle :

- J'ai encore oublié ton nom... Tu peux me le rappeler s'il te plait ? Oh et, tu as bien gardé mon journal comme je te l'ai demandé ? Il est très important pour moi.

Reste calme Sam. Je me répétais cela depuis au moins deux bonnes minutes tout en regardant autour de moi et déplorant l'absence de mon journal. Cela avait recommencé. Je ne savais plus où j'étais ni ce que je faisais. Enfin, pas tout à fait, tout ce que je savais c'était que j'étais dans une salle de bain, ça c'était facile puisque je me tenais en face du miroir d'une salle de bain. Chic au passage. La salle de bain, pas mon reflet. Je portais un t-shirt à manches longues bleu ainsi... qu'un short jaune... avec un petit personnage dessiné dessus. Une sorte d'éponge qui avait l'air de faire le clown. Mais le clown, c'était certainement moi. J'avais une substance blanche partout dans les cheveux, sur le visage et les épaules... Mon dieu ! J'espérai que ce n'était pas de la cocaïne. Mais à voir le luxe de la salle de bain... Mais qu'avais-tu fait ce soir Sam !! J'en pris un peu sur le bout de l'index, essayant de ne pas paniquer, et l'approchait de mon visage, mauvaise idée de la renifler pour vérifier...  Sait-on jamais, s'il faut j'en avais déjà sniffé beaucoup et je risquais l'overdose ! Je sortis ma langue comme si j'avais peur que la poussière blanche ne se jette dessus pour me la mordre et je goûtais... Ouf ! Ce n'était que de la farine ! Ah super ! Putin, je me sentais tellement mieux d'un coup.

J’entrouvris ensuite la porte de la salle de bain. Les murs étaient décorés de marbre, le sol brillait, pas un grain de poussière à l'horizon. Enfin... excepté la poudre de blé que j'avais baladée un peu partout avec moi... Au moins, il était facile de retrouver mon chemin. Je suivis les traces jusqu'à arriver dans une cuisine. Il y avait une jeune fille, une asiatique. Plutôt mignonne, elle avait l'air gentille. Et moi, je devais avoir l'air d'un con. Terriblement con même, avec ma farine sur la gueule et mon air de pommé.

Gêné, je m'avançais doucement vers la table sur laquelle mon petit carnet était posé. Je la regardais de temps en temps tandis que j'avançais. J'avais peur. Je n'osais pas la regarder plus d'une seconde, mais je n'osais pas la quitter du regard non plus. Je ne savais pas quelle réaction elle pourrait avoir puisque je ne savais pas qui elle était ! Alors mieux vallait la garder à l’œil... Mais en même temps... Dieu que je devais avoir l'air con. J'avais l'impression d'être un voleur, un voyeur ou que sais-je encore ! Elle était en pyjama ! Et si j'avais débarqué chez elle...? Et si elle se mettait à crier ou appeler les flics...?

Une photo tomba du carnet lorsque je l'ouvris. C'était elle, avec moi. C'était Pandora. C'était écrit au dos. Je lu ensuite tout ce que j'avais pu écrire sur elle. On avait fait du shopping, et elle m'avait invité à une soirée pyjama. Je me laissai tomber sur une chaise, essuyant un peu de sueur sur mon front. Ouf.

- Bordel... fis-je en tirant sur mes joues vers le bas, déformant mes lèvres. J'ai cru que j'étais à une soirée de toxicos, puis que j'essayais de te cambrioler... Il ne faut plus que je me sépare de ce carnet... D'après ce que je lis... Et surtout d'après mes cheveux on faisait de la cuisine, c'est ça ? J'ai du partir m'enlever cette farine à la salle de bain... Et j'ai tout oublié, pardon ! DU COUP ! J'y retourne, mais cette fois-je prends ça avec moi !

J'avais parlé un peu vite, je me sentais bien mieux, mais l'adrénaline fusait encore dans mes veines. Du coup j'étais excité comme une vilaine puce. Putin de bordel de merde, qu'est-ce que j'avais eu peur !